Le jour-j [Isaline & Alex]

Un mois, voila la période qui s’était écoulée depuis que Lucie avait eu son rendez vous à l’hôpital, chez sa gynécologue. Elle avait fini par se faire une raison à ce que le médecin lui avait appris, oui, elle était belle et bien enceinte… Elle ne pouvait plus se cacher maintenant… Bien sur, elle portait des vêtements un peu plus amples que d’habitude. Le plus dure était de faire comme si de rien n’était. Il n’y avait qu’une personne au courant de sa situation, Kazuki. Elle l’avait supplié de ne rien dire à personne et encore moins au père…

D’ailleurs, en parlant de lui, elle ne lui avait toujours pas appris la nouvelle. Elle ne pouvait pas faire, sans imaginer qu’il le prenne mal. C’est pourquoi, elle réussissait à l’éviter la plus part du temps, et quand elle se trouvait au même endroit que lui, soit elle faisait tout pour partir, soit elle était aussi muette qu’une tombe. Pourtant, depuis une semaine, ça devenait vraiment difficile. Elle avait repassé un rendez-vous chez la gynéco qui n’avait rien descellé d’anormal, cette petite chose qui grandissait en elle, était parfaitement en pleine forme.

Aujourd’hui, elle n’était pas allée travailler. Elle avait réussi à avoir le courage de prévenir Alex, mais elle n’avait rien ajouté. Elle n’avait pas envie de sortir de chez elle. Sa villa, habituellement baignée par le soleil avec sa vue sur l’océan, baignait dans le noir en ce moment, ses stores et ses rideaux étaient clos. Elle avait dormi une bonne partie de la nuit, enfin, si on pouvait appeler ça dormir.

Lucie était à présent dans son salon, habillé que de son simple pyjama, c’est-à-dire, un top et un pantalon léger et large, à pieds nus. Elle était assise en tailleur dans son divan, dans le noir, serrant une tasse à café dans ses mains et entourée d’une couverture. Elle était pensive. Si pensive qu’elle sursauta presque lorsque la sonnerie de la porte d’entrée résonna chez elle. Elle soupira et posa sa tasse sur la table basse, se débarrassant de sa couverture. Elle n’avait pas envie d’ouvrir, ni même de savoir qui sa pouvait être, d’autant plus qu’elle devait avoir une tête affreuse, ayant encore pleuré un bon moment avant de descendre dans son salon…

Mais son visiteur secret s’acharnait presque sur la sonnette. Enfin, c’était l’impression qu’elle avait. Elle soupira de nouveau et se leva. Elle n’avait toujours pas envie d’ouvrir, mais si on devait s’énerver sur ce bouton et lui donner mal la tête. Elle se ferait un plaisir de remballer son visiteur. Elle arriva devant sa porte. Elle regarda par le petit trou et aperçu une tête familière. Elle déglutit. Elle ne pouvait pas la laisser dehors non plus. Elle posa sa main sur son trousseau de clefs, déverrouilla la porte puis baissa la poignée et ouvrit la porte. Elle essaya de prendre une voix normale avec la lumière qui l’aveugla…

- B’jour… Que puis-je pour toi ?

Après ma journée de cours, j'avais eu envie de voir Lucie pour lui reparler de la soirée en boîte et avoir son avis sur tout ce qui s'était produit ce soir là. Ce n'était pas parti d'une mauvaise intention de ma part. Je n'avais pas l'intention d'être la cause d'un bagarre entre Raphaël et Shawn. Il s'en était d'ailleurs fallut de très peu que le second ne se retrouve pas au cimetière de Miami. Quand je repensais à la réaction de Raphaël, au regard qu'il avait ce soir là en attrapant Shawn, j'en frissonnais. Je n'aurais jamais soupçonné qu'il puisse exploser de la sorte et si je n'en avais pas été témoin, sans doute ne l'aurais-je jamais cru si on me l'avait raconté. Quant à la suite, après notre départ, j'avais encore des sentiments partagés à ce sujet. C'était l'expérience sexuelle la plus intense que j'ai jamais connu et en même temps, la plus sombre... Une chose était certaine toutefois, c'est qu'après cette nuit là, je n'imaginais même plus partager le lit d'un autre que lui... et j'avais même tendance à réclamer le sien plus que je ne l'aurais fait si tout ça ne s'était pas produit. Si le but avait été de me rendre totalement dépendante de lui et irrévocablement à lui, il y était parvenu magistralement. J'étais piégée mais de mon plein gré tout de même.

Quoiqu'il en soit, j'arrivais au bureau de Lucie avec le besoin de lui demander ce qu'elle en pensait. J'avais besoin de ses critiques si elle en avait à formuler, de ses conseils si elle en avait à donner, de savoir surtout que son amitié était indéfectible. Mais je trouvais porte close. Etonnée qu'elle soit déjà repartie chez elle, je passais par le bureau d'Alex pour en savoir plus et celui-ci m'informa qu'elle n'était pas venue travailler aujourd'hui, rapport à une campagne de protection. Je le laissais finir sa paperasse, non sans déposer un baiser sur sa joue en lui disant d'être prudent sur le retour, avant de quitter son bureau. Avant que je n'ai franchi la porte, il me demanda toutefois si tout allait bien pour moi et je me forçais à sourire le plus sincèrement possible en lui assurant qu'il n'avait pas à s'inquiéter pour moi.

Après être passée par ma chambre pour y laisser mes affaires de classe, je ressortis du bâtiment et me rendit sur le parking pour prendre place dans ma voiture, direction la plage. J'espérais que Lucie était rentrée chez elle, même si j'étais prête à l'attendre pour lui parler. A mon arrivéé, je fus un peu étonnée de voir les volets clos en approchant de la maison. Par habitude, je fis le tour de la maison pour passer par la terrasse mais les portes-fenêtres étaient fermées et les rideaux tirés. Ca commençait à m'inquiéter. Ce n'était pas le genre de Lucie de rester cloîtrée chez elle de cette façon. Refaisant le tour dans l'autre sens, je sonnais à la porte une première fois avant d'insister une seconde moins de trois minutes plus tard. La porte finit par s'ouvrir sur Lucie et je restais muette de stupéfaction en la voyant apparaître en pyjama, visage chiffonné et les yeux encore un peu rouges d'avoir versé des larmes.

- C'est plutôt à moi de te poser cette question, fis-je remarquer en entrant sans qu'elle m'y invite. Qu'est-ce qui se passe Lucie ? Et ne mens pas, tu ne me feras pas croire que tout va bien !

Cette fois, Lucie ne pourrait pas faire autrement que de lui avouer. Mais entendre ça n’allait peut être pas la réjouir. Et même si c’était le contraire, Lucie ne pouvait s’imaginer que tout le monde le prenne mal. Ce n’était pas un malheur pourtant, de tomber enceinte… Mais pas pour Lucie… Elle ne pouvait pas arrêter de s’imaginer, revivant la scène d’un an auparavant…

Maintenant qu’elle lui avait ouvert la porte, elle ne pouvait pas lui mentir. De toute façon, elle n’y arriverait pas. Isaline s’apercevrait bien vite qu’elle ne lui disait pas la vérité. Elle croisa les bras en refermant sa porte d’entrée, son amie étant quand même rentrée à l’intérieure avant qu’elle puisse lui dire quoi que ce soit. Elle avait remarqué l’expression sur le visage de son amie, elle ne l’avait sûrement jamais vu dans un état pareil. Lucie passa ses mains sur ses bras, comme pour se réchauffer, de nouveau dans le noir et passa devant Isaline pour retourner s’asseoir, en tailleur, sur le canapé.

- Tu ne peux pas faire grand-chose en ce qui me concerne… marmonna Lucie.

Elle regarda Isaline par la suite, laissant le temps à sa vision de se réhabituer à la pénombre de la villa, même si elle se doutait que ça n’allait pas rester longtemps comme ça. Elle attrapa sa tasse et en bu une gorgée avant de la reposer. Elle attrapa la couverture et la posa sur ses épaules en se laissant aller en arrière.

- Ce qui ne va pas c’est que j’ai fait la plus belle erreur de toute ma vie… J’ai le droit d’avoir une autre chance, et je la gâche de nouveau… Ah moins que c’est une punition pour avoir eu autant d’aventure pendant un an…

Lucie plia ses genoux pour les entourer de ses bras, elle posa sa tête dans es bras, essayant de retenir ses larmes. Elle avait déjà assez pleuré. Pourtant, elles étaient toujours présentes en grand nombre.

Je scrutais le visage de Lucie tandis qu'elle se tenait près de la porte après l'avoir refermée sur nous, les bras croisés et les frottant comme si elle avait froid. Il faisait pourtant bon chez elle. Je la suivais du regard alors qu'elle retournait dans le salon et s'installait en tailleur sur le canapé. A voir la tasse de café et la couverture, elle devait se tenir là à mon arrivée. Je la rejoignais, écoutant sa phrase évasive, perplexe. Il faisait sombre dans le salon, du fait des rideaux et des stores tirés. Je restais debout en écoutant la suite, fronçant légèrement les sourcils vers la fin. C'était vraiment n'importe quoi !

Agacée d'être plongée dans l'obscurité, j'ouvrais au moins un rideau et remontais le store pour laisser entrer un peu de lumière dans la pièce. Puis, prenant place sur l'un des fauteuils, je la fixais en demandant :

- Tu ne crois pas que tu dramatises un peu là ?... Par autre chance, je suppose que tu veux parler de Alex et de toi.

C'était une affirmation, pas une question. Je ne voyais pas de quelle autre chance elle pouvait parler hormis celle-là. A vrai dire, j'espérais bien qu'ils finiraient par se retrouver tous les deux. Ils étaient bien assortis et surtout, étaient fait l'un pour l'autre ! Mon frère avait été un imbécile de quitter Lucie mais il pouvait se racheter.

- Tu peux m'expliquer en quoi tes liaisons éphémères devraient être punies ? Il n'y a pas de mal à se faire du bien et, arrête-moi si je me trompe, tu étais célibataire et tu n'avais de compte à rendre à personne !

*Pas comme moi*, songeais-je un bref instant avant d'écarter cette pensée. Je fixais toujours Lucie, soucieuse de la voir ainsi, cherchant à deviner ce qui pouvait la troubler autant. Au souvenir d'Alex dans son bureau, je doutais que mon frère lui ait annoncé qu'il rompait une seconde fois. Il ne m'en aurait sans doute pas parlé, mais il n'aurait pas eu l'air aussi calme. Elle paniquait sans doute sans même savoir en réalité.

- Bon dieu, Lucie ! jurais-je entre mes dents. Crache le morceau ! A défaut d'autre chose, ça te soulagera, crois-moi !

Lucie ne releva pas la tête, bien qu’elle entende qu’Isaline venait d’ouvrir un rideau et un store pour faire rentrer de la lumière. Elle avait raison après tout, c’est Lucie qui voulait rester dans le noir, un peu comme ci elle voulait se cacher de tout le monde. La jeune femme passa une main sur sa figure avant de la relever. Elle garda tout de même ses jambes pliées contre elle, même si elle savait qu’elle allait devoir tout lui avouer.

- Oh bien sur que si ! J’ai tout foireux… J’aurais du retenir la leçon, mais je ne l’ai pas fait.

Elle soupira de nouveau et se libéra de sa couverture. Il fini par poser ses pieds sur le sol pour ensuite se mettre debout. Elle posa ses mains sur le bas de son top et le descendit. Elle regarda ensuite Isaline qui venait de s’asseoir dans l’un des fauteuils. Elle devait lui expliquer, même si ça allait être long. Après tout, il fallait bien qu’elle lui explique tôt ou tard.

- J’n’ai jamais cessé d’aimer ton frère… Même après son départ… J’ai même pas pu l’oublier. Oh bien sur, j’étais en colère contre lui… J’ai eu du mal à digérer ce qu’il m’a fait… mais après avoir déversé un flot de colère, ça à fini autrement… Je suppose qu’il ne faut pas que je t’explique, tu comprends très bien…

Elle se retourna vers Isaline et la regarda un petit moment, attendant de voir un geste ou entendre quelques choses qui puisse faire en sorte qu’elle continue son récit. Une fois avoir eu ce qu’elle attendait. Elle se retourna de nouveau, étant près de la fenêtre ouverte et elle se laissa aller contre le mur, continuant de parler de cette histoire.

- Pendant un an, j’ai tout fait pour jamais avoir de problème. Mais il a suffit que j’oubli de la prendre, ayant la tête ailleurs le jour même, le lendemain d’être malade pour la rejeter… Oui, je parle de cette maudite pilule… Je n’ai pas fait attention…

Elle se retourna de nouveau vers Isaline, jetant un œil sur son ventre avant de terminer…

- Je suis enceinte Isa… et pas de n’importe qui… de ton frère…

Lucie ne m'apprenait rien en disant qu'elle n'avait pas pu oublier mon frère malgré la manière dont il avait rompu avec elle. Non pas qu'elle se soit jamais trahie mais je la connaissais depuis longtemps et je savais quelle genre de femme elle avait été, que la drague et les liaisons éphémères, ce n'était pas vraiment elle au fond, juste un moyen de prendre du bon temps tout en oubliant quelques heures ce qui était douloureux. Peut-être même une manière de se venger d'Alex même s'il n'en savait rien. Je n'étais pas vraiment surprise que le premier choc passé, il se soit passé ce qui devait se passer. Pour eux comme pour Raphaël et moi, c'était écrit sans aucun doute. Il devait en être ainsi, quoi qu'ils puissent en penser. Je ne pu m'empêcher de lui sourire tendrement tandis qu'elle me fixait, attendant de voir comment je réagissais à ses propos.

Je la regardais s'adosser au mur près de la fenêtre que j'avais dévoilée un peu plus tôt, écoutant la suite sans l'interrompre. Aux premiers mots, je devinais de quoi elle parlait. C'était une contrainte pour chaque femme, même s'il existait désormais des implants contraceptifs pour éviter ce genre de désagrément, et il nous était à touts arrivées de l'oublier ou de la rejeter pour x raison. Je restais néanmoins sans voix en la voyant jeter un rapide coup d'oeil à son ventre avant de m'annoncer qu'elle portait l'enfant de mon frère en son sein.

La surprise passée, je m'exclamais, souriante :

- Mais c'est une nouvelle formidable ! Alex doit être fou de joie ! Depuis combien de temps ? Qu'est-ce que mon frère t'a dit ?

Je me ravisais brusquement, soupçonneuse, me souvenant des propos qu'elle avait d'abord tenu un peu avant et je me levais pour la rejoindre, sourcils fronçés.

- Tu en as parlé à Alex, n'est-ce pas Lucie ?... Tu ne peux pas penser que cette grossesse est une erreur, dis ? Encore moins que ça va remettre en cause vos retrouvailles ?!

Si je connaissais Lucie, je connaissais encore mieux mon frère et je savais qu'une fois le choc passé, il serait heureux de savoir qu'il allait être père, peut-être encore plus sachant que c'était elle qui porterait cet enfant à naître.

Une heureuse nouvelle ? Peut être bien… mais pas quand il s’agissait de Lucie. Après tout, elle n’était même pas en couple avec Alex. Oui, elle lui avait pardonné mais ils ne reformaient pas un couple. Elle lui avait demandé du temps pour y réfléchir, même si elle aurait dit oui sans hésiter. Mais maintenant qu’elle se savait enceinte, elle faisait tout pour passer moins de temps avec lui, préférant ne pas se faire de faux espoir ou tout simplement passer un peu de temps avec lui, voir l’apercevoir, tant qu’elle le pouvait encore, croyant dur comme fer que lorsqu’il l’apprendrait, il partirait de nouveau.

- Je suis enceinte de quatorze semaine et je ne sais pas ce qu’en pense Alex, je ne sais même pas si je veux réellement savoir ce qu’il en pense… Pour le moment, cette grossesse me fait tellement peur que je reste cloitrée chez moi…

Un an plus tôt, elle avait demandé à Alex pour former une famille, voir même l’arrivée d’un enfant, mais les conséquences de ses paroles avaient été tellement désastreuses qu’elle ne pouvait même pas y songer. Il lui avait pourtant dit qu’il avait changé, mais est-ce qu’il supporterait cette idée ? L’idée de devenir père alors qu’ils venaient à peine de se retrouver ? Lucie la regarda se lever pour la rejoindre. Elle se mordit la lèvre inférieure, serrant encore plus ses bras alors qu’elle lui fit un simple non de la tête…

- Non, jamais… Je ne lui en parlerais pas… Je sais que je ne peux pas interrompre cette grossesse, de toute façon, je suis contre cette pratique, je n’ai pas le droit de lui hotter la vie alors que c’est par ma faute que je suis enceinte…

Elle avait même réfléchit à quelques situations possible… Elle pouvait très bien prendre congé les derniers mois, une fois qu’elle aurait bien trop de mal à cacher sa grossesse et pourquoi ne pas retourner en France pour l’accouchement. Elle n’en savait rien de ce qu’elle allait faire, elle était entièrement perdue.

Je n'aimais pas du tout ce que j'entendais, vraiment pas. Je ne comprenais pas qu'elle n'aie rien dit à mon frère pour sa grossesse. D'accord, ils avaient formé un couple, avaient rompu et venaient à peine de se retrouver. D'accord, ce n'était pas ce qu'il y avait de plus simple comme situation pour annoncer qu'un enfant allait naître, mais ils n'étaient pas des gamins tous les deux. Ce n'est pas comme s'ils n'en avaient pas profiter avant ni comme s'ils n'avaient pas la maturité pour élever un enfant !

Lorsque Lucie déclara qu'elle n'en parlerait pas à Alex, j'eus envie de la gifler de se montrer aussi égoïste, mais je parvins à me retenir, me contentant de serrer les poings. Toutefois, je lui fis part du fond de ma pensée, assez froidement :

- Tu te rends compte de ce que tu dis ?!... Tu n'as pas le droit de taire la nouvelle à mon frère, Lucie. Il a le droit de savoir que tu portes son enfant, il a le droit de vouloir ou non prendre part à sa vie, tu ne crois pas ?

Je détournais mon regard d'elle, observant l'horizon depuis la fenêtre, songeuse. Elle n'avait aucune raison valable pour le laisser dans l'ignorance. Priver Alex d'un choix aussi important, je ne comprenais pas.

- Alex et moi, on a été adoptés, Lucie. Ni lui ni moi ne connaissons nos origines, nos vrais parents. Les Fraser nous ont élevé comme si nous étions leurs enfants, avec amour et tendresse, en nous inculquant des valeurs, en nous transmettant leurs principes... Je les adore, peut-être davantage que s'ils avaient été mes vrais parents... Mais je m'égare.

Je soupirais et me passais une main dans les cheveux, replaçant une mèche de cheveux au passage. Ce n'était pas forcément facile de lui expliquer ce que Alex et moi on pouvait ressentir en tant qu'enfants ayant été abandonnés, quelle que soit la raison.

- Ce que je veux dire, Lucie, c'est que tu n'as pas le droit de prendre cette décision seule... Mets-toi à la place d'Alex deux minutes. Tu crois vraiment qu'il abandonnerait son enfant sans rien dire ? Lui ?! Tu le connais donc si mal ?

La réaction d’Isaline n’étonnait pas vraiment Lucie, A près tout, elle parlait de son frère aussi, et elle savait qu’ils entretenaient des liens plus que solide, il lui était déjà arrivé de les envier d’être aussi lié, après tout, Lucie était fille unique. Elle passa une main sur son visage, en profitant également pour chasser la naissance des premières larmes qui apparaissaient. Elle souffla doucement avant de regarder de nouveau Isaline, bien qu’elle lui paraisse en colère et elle pouvait la comprendre.

- Comment je pourrais être sur que lorsque je lui en parlerais, il ne partira pas. Je ne peux pas imaginer qu’il parte de nouveau… Je sais que je vois le mauvais côté des choses mais c’est tellement compliqué…

Elle posa sa main sur on ventre alors qu’Isaline parlait de sa famille. Abandonner son bébé, elle n’y arriverait pas. Elle se raccrocherait même à ce petit être et elle ferait tout pour lui offrir une enfance paisible tout en combinant avec son emploi de directrice. Elle connaissait Alex, elle désirait même en apprendre d’avantage, pour cette année de séparation, mais ce sont ses nouvelles réactions qu’elle avait du mal à comprendre…

- Je lui apprendrais… Il faut juste que je trouve le bon moment, que je sache comment m’y prendre… Ou encore que je sois assez confiante pour le faire… Je ne sais pas encore quand, mais j’arriverais à lui parler…

Elle était tellement perdue dans ses pensées, à chaque fois qu’elle y songeait qu’elle voulait parler d’autre chose. Elle inspira un bon coup et retourna s’asseoir sur le canapé après voir replier cette couverture qui la tenait au chaud un peu plus tôt. Agenouillée, elle regarda Isaline tout en essayant de reprendre un peu de contenance… Elle lui fit un petit sourire en passant une main dans ses cheveux avant d’abandonner, joli les nœuds x_X

- Mais après tout, tu n’es pas venue ici pour parler de ça… Qu’est ce qui t’amène ?

- Tu entends ce que tu dis ? lui demandais-je, plus calme et douce. Tu te demandes si ça ne va pas le faire fuir mais tu es prête à l'écarter de ta vie et de celle de votre enfant là. N'est-ce pas la même chose que de le perdre ?

Je la regardais poser une main protectrice sur son ventre et un sourire se dessinait sur mes lèvres. Elle se comportait déjà comme une mère, voulant protéger son enfant aussi fragile soit-il. Je pouvais comprendre ses inquiétudes, ses doutes aussi. Je ne pouvais pas admettre et comprendre que ceux-ci se dressent comme des obstacles entre mon frère et son enfant par contre. Si ce n'était pas elle qui le lui disait, ce serait moi.

- Je ne suis pas certaine qu'il y ait un moment et une manière idéale tu sais. Le mieux est de le lui dire tout simplement. Tu as déjà choisi de garder cet enfant, Lucie. Quoiqu'il se passe, tu ne changeras plus d'avis maintenant, mais il a le droit de savoir.

Je le regardais se rasseoir sur le canapé et tenter de défaire les noeds dans sa chevelure. Elle finit par abandonner et m'adressa un petit sourire avant de me demander ce qui m'amenait au départ. Je poussais un soupir à mon tour, trouvant mes soucis bien futiles par rapport aux siens, et me rasseyais à mon tour.

- Rien... Enfin rien d'important, répondis-je. Pourquoi tu n'invites pas Alex à souper ce soir ? Ce serait l'occasion de le lui annoncer.

Isaline avait parfaitement raison. Lucie devait parler à Alex, même si elle avait peur de sa réaction, il avait le droit de savoir. Et à moins qu’elle ne se trompe, si elle ne le faisait pas rapidement, elle allait le regretter et Isaline en parlerait elle-même à son frère. Elle allait devoir prendre son courage à deux mains et le lui dire, lui annoncer qu’il allait être père dans moins de six mois maintenant. Une des seule choses qui pouvait le satisfaire c’est que Lucie n’était plus malade le matin, plus de nausées matinales, enfin, pour le moment du moins…

Elle acquiesça quand elle lui dit qu’elle devait lui apprendre, qu’il avait le droit de savoir. A force de repousser à chaque fois le moment de le lui apprendre, ça allait être long, alors pourquoi pas la prochaine fois qu’elle le verrait. Du moins, essayer de faire en sorte de parler de ça, ou avoir son avis sur ce sujet…

Lucie regarda Isaline alors qu’elle venait de lui demander la raison de sa venue. Apparemment, cela pouvait attendre, elle n’avait plus envie d’en parler ? Ah moins que cette grossesse soit plus importante, mais ce n’était pas une raison. Par contre, la suite surpris Lucie. Invité Alex ? Ici ? Ce soir ?... A croire qu’elle avait lu dans ses pensées qu’elle lui apprendrait la prochaine fois qu’elle allait être en face de lui. Mais est-ce une bonne idée ce soir ? La villa était sûrement dans un état horrible, sans compter qu’elle ne savait si elle avait tout ce qu’il fallait pour faire un repas et puis, elle n’était pas du tout présentable, elle n’aurait pas le temps de tout préparer…

- Je ne sais pas si c’est une bonne idée. Regardes moi, je suis affreuse… Je ne sais même pas si j’ai ce qu’il faut dans les placards de la cuisine et encore moins si cette maison est en ordre… C’est le gros bazar…

Et puis, elle allait mettre quoi ? Même si elle rentrait encore dans la plupart de ses vêtements, choses qu’elle ne pourrait plus faire dans quelques semaines. Elle soupire. Oh tiens, ce serait aussi le moment de parler de Raphaël à Alex non… La soirée promettait d’être agréable et remplie de rebondissements…

- Dans ce cas, invite Raphaël… Ce sera le moment de présentations officielles...

- Tu as du temps pour te rendre présentable, décrétais-je tant qu'elle semblait être en de bonnes dispositions pour ce souper. Je vais regarder dans tes placards et si je ne trouve rien, on commende chez un traiteur. Comme ça, on a du temps pour remettre de l'ordre ici. Tu vois, tout coule de source. Il n'y a plus qu'à prendre ton portable et inviter Alex !

Je me levais déjà pour me diriger vers la cuisine et passer en revue le contenu de ses placards quand elle lança l'idée d'inviter Raphaël également. Je m'arrêtais net et faisais volte-face, interloquée.

- Tu veux l'achever ou quoi ?! m'exclamais-je. Je suis téméraire, pas folle. Raphaël porte encore les traces de sa bagarre avec Shawn, je vois la tête d'Alex d'ici en le remarquant... Pire, il voudra savoir comment et pourquoi il s'est battu et là, c'est moi qui risque de souffrir !

Je frissonnais rien que de penser à la réaction d'Alex. Elle ne serait sans doute pas aussi terrible que celle de Raphaël mais j'étais sûre que je n'échapperais pas à ses critiques. Comme s'il pouvait comprendre qu'on veuille passer un test pour s'assurer qu'on était attaché à une personne. Non, vraiment, c'était une très très mauvaise idée.

- Une annonce après l'autre, fis-je en souriant nerveusement. D'abord le bébé, d'accord ? C'est le plus important.

A croire qu’Isaline avait tout prévu sur le coup. Lucie sourit en entendant tout le programme pour la soirée. Isaline allait se charger du début du repas ou, d’abord, de vérifier qu’il y avait de quoi préparer un repas dans les placards de la cuisine. Lucie se leva alors qu’elle lui proposait d’inviter Raphaël pour ce souper. Son amie avait raison, une nouvelle importante à la fois, ça évitera d’avoir sur la conscience une crise cardiaque non-voulue.

- Tu as raison, on oublie Raphaël. Une prochaine fois peut être…

Prévenir Alex maintenant… Enfin, la tâche la première était de pouvoir récupérer son téléphone portable. Dans cette pénombre, ça devenait dur. Elle alla vers ses baies vitrées et tira les rideaux, plongeant instantanément les pièces dans la lumière du soleil. Elle en profita pour en ouvrir d’autre ainsi que quelques volets. Elle put constater que la maison n’était pas dans un état si déplorable que ça, que ça allait parfaitement. Se souvenant de ne l’avoir pas sortit depuis hier, elle repéra son sac à main, en sortit don portable pour pouvoir appeler Alex. Bien qu’elle hésita au début, elle réussi d’avoir un ton correct pour lui proposer de passer la soirée avec elle et sa sœur.

Après quelques minutes au téléphone, elle raccrocha. Elle alla à la cuisine pour informer qu’elle avait demandé à Alex de passer aux alentours de dix-huit heures trente. Par contre, il était peut être temps pour elle de faire un passage par la salle de bain. Elle ne savait pas ce qu’elle allait se mettre. Elle n’allait pas non plus à une soirée de galla mais bon…

- Si tu n’as pas besoin de moi, je vais aller prendre une douche et tenter de trouver quelque chose à me mettre dans le stock de vêtements que j’ai en haut…

Quand elle y repensant, c’est vrai que si Alex était surpris de cette invitation, c’était tout à fait normal, après tout le temps où elle a essayé de l’éviter le plus possible pour ne pas lui parler…

Je poussais un soupir de soulagement quand elle renonça à son idée de présenter Raphaël au cours de ce souper et me rendais dans la cuisine tandis qu'elle ouvrait enfin les rideaux pour laisser entrer la lumière du soleil. Je commençais par ouvrir le frigo, vérifiant ce qui était mangeable, douteux, à virer ou à décongeler le cas échéant, l'entendant parler au téléphone avec Alex. J'étais trop loin pour saisir leur conversation mais je ne le souhaitais pas vraiment. Tout ce qui importait, c'était qu'elle l'invite à souper.

Laissant le frigo, j'ouvrais ensuite les placards et fouillais leurs contenus à la recherche de quelque chose qui pourrait faire un plat digne de ce nom, de cette occasion. Je n'y trouvais pas mon bonheur et je poussais un soupir, frustrée. J'aurais préféré un repas concocté à domicile mais il fallait se rabattre sur un traiteur finalement.

- Non, ça ira, ne t'inquiète de rien, lui répondais-je en revenant dans la même pièce qu'elle. Tu as une préférence pour quelle cuisine ? Le traiteur s'impose.

Je profiterai de sa douche pour sonner à celui-ci, prévenir Raphaël que je ne pourrais pas non plus le voir ce soir et que, si je le rejoignais, il serait assez tard dans la nuit. Après quoi, je remettrais un peu d'ordre dans les pièces du bas, quoi que ça ne prendrait pas trop de temps.

Après un petit moment de réflexion sur le choix du traiteur, Lucie lui proposa de commander de la cuisine anglaise. Après tout, Isaline et Alex étaient de cette origine alors que Lucie y avait passé près de cinq ans pour ses études et cette nourriture lui convenait parfaitement, elle n’était aussi difficile que ça. Une fois qu’elle eu l’accord de son amie, elle la laissa commander en ayant repérer le téléphone portable de la villa et passa à l’étage pour aller se doucher et se changer.

Une fois dans sa chambre, elle ouvrit sa penderie pour voir ce qu’elle voulait porter. Elle opta pour une robe mauve, pas du tout collante (Comme l’avatar en ce moment-même) et une paire de ballerine noir. Elle voulait simplement être à l’aise. Elle passa à la salle de bain et alluma les jets d’eau, le temps de se déshabiller. Elle avait vraiment une tête horrible. Elle rentra sous l’eau chaude et en profita un peu de la chaleur pour se détendre.

Elle sortit peu de temps après et s’enroula dans un grand essuie de bain. Elle passa devant le miroir en se séchant les cheveux. Elle les démêla ensuite et termina de se sécher pour s’habiller. Elle se coiffa par la suite et posa une légèrement touche de maquillage. Elle rangea sa salle de bain pour descendre rejoindre Isaline. Elle remarqua qu’elle avait déjà rangé pas mal et se mit à l’aider pour le reste avant de passer à la salle à manger où elle disposa la table pour trois…

- Si tu as besoin de la salle de bain, elle est à toi…

Lucie jeta un coup d’œil à l’horloge accrochée au mur et s’aperçu qu’il ne lui restait plus beaucoup de temps avant l’arrivée d’Alex. Seulement, on sonnait déjà… Ca ne pouvait pas déjà être lui quand même ?

Lucie proposa cuisine anglaise et j'acquiesçais de la tête. Pour un souper "familial", c'était une très bonne idée. Tandis qu'elle rejoignait l'étage, je saisissais le téléphone et me mettais en quête d'un annuaire téléphonique genre "Pages d'Or" afin de trouver un traiteur à Miami. Ca me prit quand même quelques minutes avant d'en dégoter un parmi toutes les annonces et je composais le numéro avant de passer commande du gigot à la menthe avec des pommes de terre et des haricots verts à l'anglaise comme plat ainsi que de l'Elton mess en dessert (meringues, framboises, crème fraîche liquide et sucre semoule).

Après avoir apprit qu'un livreur viendrait apporter le tout dans une grosse demie-heure, je reposais le combiner et remettais un peu d'ordre ici et là avant de dresser la table dans la salle à manger. J'essayais de rester dans la simplicité afin que tout le monde se sente à son aise. A bien y songer, cela faisait un sacré bail qu'on avait pas été réunis tous les trois. J'esquissais un sourire, contente de la tournure des évènements quand Lucie réapparut en me disant que la salle de bain était libre si je voulais.

Je déclinais son offre, n'ayant pas de vêtements avec moi et ne voulant pas me servir dans sa garde-robe, quand on sonna à la porte. Au regard que jeta Lucie à l'horloge, je compris qu'elle était nerveuse à l'idée de voir débarquer mon frère et je la rassurais en me dirigeant vers la porte.

- C'est le traiteur, déstresse ! Ce n'est pas bon pour ce que tu portes.

J'ouvrais la porte au livreur et revenais avec les plats dans la cuisine. Sans lui demander son avis, je pris de l'argent dans mon sac et retournais payé le jeune homme, lui laissant un pourboire au passage. Je rejoignais ensuite Lucie en ajoutant :

- J'espère que ça vous plaira ! Moi, cette odeur me met à la bouche.

Lucie soupira alors qu’Isaline venait de lui dire de déstresser, que ce n’était que le traiteur, oui, mais la prochaine fois, ce sera lui. Elle lui sourit faiblement alors qu’elle l’accompagna pour aider le traiteur à se débarrasser. Elle alla avec les plats à la cuisine et disposa le tout dans un endroit idéal, tel que la viande dans le four pour éviter qu’elle ne refroidisse en l’allumant au minimum où encore, le dessert dans le frigo pour que cela reste présentable.

En revenant dans l’entrée, elle aurait bien payé le traiteur mais elle s’aperçu que son amie avait été bien plus rapide qu’elle et qu’Isaline s’en était déjà chargé. Elle croisa les bras et la laissa terminer avec le traiteur avant de passer au salon. Lucie annonça à Isaline que ça ne pouvait que lui plaire, l’odeur était si délicieuse qu’elle en avait l’eau à la bouche. Elle s’assit dans le canapé, attendant le retour d’Isaline. Elle lui proposa ensuite quelque chose à boire. Elle se leva pour les servir, optant pour un coca bien frais pour elle.

Elles n’eurent pas longtemps à attendre d’avantage qu’on sonna de nouveau à la porte. Cette fois, ça ne pouvait qu’être lui. Lucie jeta un coup d’œil à Isaline qui n’avait pas envie de bouger. D’accord, cette fois c’était à elle à ouvrir et en plus, elle lui ouvrirait. Elle bu une gorgée de son liquide froid et se leva en le reposant sur la table. Elle inspira un bon coup. Elle se dirigea vers l’entrée, tout en paraissant la plus naturelle possible, elle ouvrit la porte et tomba nez-à-nez avec Alex…

- Bonsoir… Encore désolée si tu avais des projets pour ce soir…